3. Phonétique : bouleversement vocalique et diphtongaison spontanée

Décrivez le son [ǒ] dans le mot latin fǒcus et étudiez son évolution jusqu’au français feu (vers 3461 et 3464).

Le français moderne feu, prononcé [fœ̣́], est issu du latin fŏcus, prononcé [fŏ́kus].
Ce mot de deux syllabes est par nature un paroxyton : la voyelle initiale, [ŏ], est donc une voyelle tonique libre, et son évolution jusqu'au français moderne est fonction de cet état.

Entre le II° et le III° siècles après J-C se produit le bouleversement vocalique, qui marque le passage de la prononciation latine, qui distingue les voyelles selon leur quantité, à la prononciation romane, qui oppose les voyelles selon leur aperture : [ŏ́] > [ǫ́].
Parallèlement, toutes les voyelles s'abrègent, sauf les voyelles toniques libres qui au contraire s'allongent ; cet allongement aboutit à la diphtongaison spontanée romane au IV° siècle : [ǫ́] > [úǫ].

Au VII° siècle, par assimilation d'aperture, le deuxième élément se ferme : [úǫ] > [úọ].
Aux XI°-XII° siècles, les deux éléments de la diphtongue connaissent une avancée de leur point d'articulation : [ọ] vélaire se palatalise d'abord en [ẹ] pour se différencier de [u] ; ensuite, par assimilation réciproque, [ẹ] se labialise en [œ̣], et [u] devient la palatale labialisée [ü]. Ainsi [úọ] > [úẹ] > [úœ̣] > [ǘœ̣].

Enfin, au XIII° siècle, les diphtongues spontanées subissent une bascule de l'accent, qui passe du premier au second élément ; en conséquence, la première voyelle se consonnifie, avant de s'amuïr : [ǘœ̣] devient donc [ẅœ̣́] puis la diphtongue se résout en [œ̣́].

À la fin du XII° siècle, la prononciation de feu est donc en pleine mutation, et l'orthographe témoigne de l'existence de prononciations concurrentes : on trouve par exemple la graphie fu, marquant la monophtongaison, au vers 3461 du Chevalier au lion, mais également la graphie moderne, feu, qui signale l'historique du son en marquant la diphtongue par un digramme, au vers 3463. La transcription eu du son [œ̣] ne fut définitivement adoptée qu'au XVI° siècle.


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Auteur : O. Lanciaux
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