Histoire du français

Préhistoire : une langue indo-européenne

La tour de Babel

Le français est issu d'une souche théorique commune à environ un millier de langues (dont la plupart des langues occidentales), appelée langue indo-européenne.

 des langues indo-européennes
De nombreuses hypothèses s'opposent quant à la date et la zone d'apparition de cette langue-mère ; l'hypothèse dominante retient l'Asie centrale pour berceau d'origine, et on considère qu'à la fin du III° millénaire avant notre ère, l'indo-européen a déjà engendré des branches distinctes qui migrent en même temps que les peuples : la branche italique aux alentours de l'Italie moderne, la branche celtique à l'ouest, la branche germanique au nord et à l'est de l'Europe actuelle, la branche hellénique en Grèce et en Sicile... d'autres branches parcourent l'Asie jusqu'en Inde ou traversent la Russie.

Ces branches se singularisent et se subdivisent au fur et à mesure que leurs locuteurs s'installent et entrent en contact avec des peuples non indo-européens.

Nos ancêtres les Gaulois

À l'âge du bronze, les Gaulois, appartenant à la branche celte, migrent vers l'Europe occidentale et s'installent entre autres sur le territoire correspondant à la France actuelle, où ils s'assimilent aux populations autochtones.


Antiquité : une langue latine

Origines du latin

Les langues italiques sont celles des peuples indo-européens venus s'établir en péninsule italique aux alentours de 1500 avant J-C. 
Elles évoluent notamment au contact du grec et de l'étrusque, et aboutissent à plusieurs langues, parmi lesquelles se trouve le latin.

L'empire latin

L'Empire romain à son apogée en l'an 117
D'abord limité aux alentours de Rome, le latin s'exporte avec l'Empire romain, qui couvre une large partie de l'Europe pendant cinq siècles (de 27 avant J-C à 476) : dans toutes les zones occupées, le latin classique est la langue officielle, et le latin vulgaire concurrence et se mêle aux substrats linguistiques.

Ces mélanges engendrent les langues romanes, groupe dont font partie l'italien, l'espagnol, le portugais, le français ou le roumain modernes.


Le déclin du latin

Dans ce qui n'était pas encore la France, le gaulois, peu écrit, se confond rapidement avec le latin vulgaire pour former le gallo-roman (gaulois + romain) ou roman
Cette langue vernaculaire ne tarde pas à évincer le latin vulgaire et évolue au gré des invasions subies par l'Empire. 
On considère qu'à partir du VI° siècle, le gallo-roman supplante le latin, qui n'est plus qu'une langue administrative, savante et liturgique - ce qu'il restera jusqu'à l'âge classique, avant d'être considéré comme une "langue morte".

L'invasion la plus conséquente est celle des Francs (peuple germanique et donc indo-européen), qui conquièrent le nord de la France et s'assimilent aux gallo-romains entre le III° et le VI° siècle. Le roman parlé dans ces régions évolue sous l'influence de ce superstrat francique : apparaissent deux grands ensemble de langues, la langue d'oïl au nord et la langue d'oc, ou occitan, restée plus proche du roman originel, au sud (oïl et oc étant le mot "oui" prononcé dans ces deux zones) ; s'ajoute une langue intermédiaire, le franco-provençal.

Bien après la chute de l'Empire, du IX° au XI° siècle, les invasions normandes et vikings ajouteront un dernier superstrat aux parlers du nord de la France. Les Vikings, installés en Normandie au X° siècle, envahiront l'Angleterre au XI°, exportant outre-manche le lexique français et provoquant, au fil de leurs allers-retours, l'apparition du dialecte anglo-normand qui fut la langue officielle de l'Angleterre médiévale.


Moyen-âge et âge moderne : une langue française ?

Naissance géo-politique de la France

Les premiers textes qui ne soient pas écrits en latin sur le territoire français sont les Serments de Strasbourg du 14 février 842.
Le partage de l'empire carolingien
Destinés à conclure une alliance militaire entre CHARLES LE CHAUVE et LOUIS LE GERMANIQUE, petits-fils de CHARLEMAGNE, contre leur frère aîné LOTHAIRE, les Serments furent prononcés en latin mais également en langue romane et en langue tudesque, pour être respectivement compris des soldats de CHARLES et de ceux de LOUIS
Ces documents prouvent que le latin est encore la langue officielle, mais qu'il n'est plus compris par les populations.

La naissance géo-politique de la France est marquée par le traité de Verdun d'août 843 : l'empire carolingien est scindé en trois, et la zone ouest, appelée Francie occidentale, revient à CHARLES LE CHAUVE.

Mais la naissance de la France ne correspond pas à celle d'une langue française.

La polyphonie médiévale

La "France" médiévale, dont les limites et l'identité fluctuèrent beaucoup, compte de très nombreux dialectes (variantes de langues) voire des langues distinctes (sans parenté directe) : 
• des langues romanes, comme les langues d'oc
• des langues romanes à fortes influences germaniques, comme les langues d'oïl
• des langues romanes à influences multiples, comme le franco-provençal
• des langues non romanes, comme le breton
• des langues non indo-européennes, comme le basque (considéré comme la seule langue européenne autochtone à ne pas avoir été assimilée après l'invasion indo-européenne)
Parallèlement à tous ces dialectes, le latin, réhabilité par CHARLEMAGNE, est utilisé comme langue transversale dans les domaines qui nécessitent une diffusion étendue et une compréhension précise : administration, droit, théologie, science...

Ce qu'on appelle ancien français est donc un modèle linguistique théorique qui cherche à uniformiser une réalité multiple mais qui correspond plutôt aux langues d'oïl, et plus précisément au francien, dialecte d'Île-de-France (le coeur politique du royaume) qui tendra à s'imposer à partir du XIII° siècle comme un dialecte supérieur et comme un concurrent du latin administratif. 
De plus, l'ancien français a été établi a posteriori, à partir de la littérature de fiction et de la littérature savante, qui tendaient toutes deux à atténuer les traits régionaux afin d'améliorer leur réception par le public et formaient quasiment une langue à part.

En outre, on parle d'ancien français du IX° au XIII° siècle, et de moyen français pour les XIV° et XV° siècles : il est évident que de nombreuses mutations ont eu lieu pendant ces longues périodes, et que l'ancien et moyen français tels qu'on les envisage dans les grammaires ne peuvent rendre compte de ces évolutions.

L'affirmation du français comme seule langue française

Il faudra attendre l'ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539 pour que le français devienne la langue officielle de la France (au détriment du latin et des dialectes, notamment de l'occitan).
Les auteurs de la Renaissance épurent le français de ses régionalismes en cherchant à revenir aux racines latines et enrichissent son vocabulaire grâce aux néologismes ; on tente de décrire la langue avec les premières grammaires. L'imprimerie encourage une uniformisation orthographique qui reste anecdotique.

À l'âge classique, le français est la langue culturelle de l'élite européenne, on l'emploie de la cour du Portugal jusqu'à celle des tsars de Russie, et bien qu'on écrive toujours certains textes scientifiques en latin, la production littéraire se fait de plus en plus en français.
Au XVII° siècle, la normalisation de la langue devient un enjeu politique : l'Académie française créée par RICHELIEU en 1635 a pour mission de fixer le bon usage du français en établissant une grammaire et un dictionnaire.
La Révolution veut ensuite imposer le français comme langue unique du peuple pour optimiser sa propagande : en 1794, l'abbé GRÉGOIRE rédige en effet un alarmant Rapport sur la nécessité et les moyens d'anéantir les patois et d'universaliser la langue française, dans lequel il avance que seuls 3 millions de Français (sur 28 millions de métropolitains) parlent français.
Les Révolutionnaires créent les Écoles Normales, destinées à former les instituteurs, mais n'ont pas le temps d'appliquer leur programme.

Le français n'évincera les autres dialectes qu'au XIX° siècle, imposé par les réformes de l'éducation de TALLEYRAND et de Jules FERRY : enseigné à l'école, le français compte de plus en plus de locuteurs, tandis que l'usage des patois est prohibé. 
Si les langues d'oïl - dont faisait partie le francien - se fondent assez facilement dans la langue unique, les locuteurs de langues d'oc, de franco-provençal et a fortiori de langues non romanes comme le breton, le basque ou l'alsacien opposent plus de résistance à ce français trop éloigné de leur langue maternelle, et l'uniformisation linguistique de la France ne s'est pas faite sans heurts.

Enfin, la France des XX° et XXI° siècles, marquée par une mobilité grandissante des populations et le développement tous azimuts des moyens de communication et des médias, affiche une uniformité linguistique pour la première fois de son histoire.
Malgré l'effet conservateur de l'enseignement républicain, le français n'est pas une langue figée : elle fait l'objet de tentatives de réformes, subit l'influence d'autres langues (notamment l'anglais), et comprend des sociolectes (langages propres à des groupes, argots, jargons) qui engendrent des néologismes. 
Par ailleurs, la valeur patrimoniale des patois est revendiquée de plus en plus fortement dans certaines régions et la phonétique connaît encore des nuances héritées notamment des différences entre langues d'oïl et d'oc.


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Auteur : O. Lanciaux